Le hameau et son moulin

  

Tout commence autours d'un moulin. Il est impossible de savoir si ce sont les habitants qui ont construit un moulin où ils habitaient ou s'ils sont venus s'installer autours du bâtiment, idéalement placé. Un vif débat a eu aussi lieu sur les premiers propriétaires : en effet, les dates et les noms ne coïncident jamais, retenons donc juste que Jean Rondot obtient l'acensement des eaux au niveau du moulin en 1613. Cet homme est un habile mécanicien pour certain, un maréchal-ferrant pour d'autres. Il est possible qu'il ait exercé les deux métiers, reprendre un moulin demandait des connaissances techniques mais il devait être suffisamment riche pour acheter le bâtiment. Rappelons que le cheval était signe de richesse à cette époque, ces animaux n'étaient donc pas confiés à n'importe qui et la rémunération était de taille pour une telle qualification.

 

bief-etoz-ancienne-photo-hameau.jpg Le hameau du Bief d'Etoz vers 1900

 

Durant la guerre de 30 ans, les troupes suédoises sous le commandement français atteignent les Franches-Montagnes, emportant avec elles la peste. Vers 1639, elles arrivent au Bief d'Etoz où elles pillent et détruisent le moulin, c'est en effet une guerre moyennageuse de mise à sac. Le fils aîné de Jean Rondot, Jacques, va donc s'occuper de remettre en état les installations paternelles.

La famille Rondot reçoit enfin l'obtention perpétuelle du moulin et des eaux qui l'actionnent en 1660. Dans l'acte notarié est détaillée la composition du moulin : il y avait trois meules à grain, deux ribes1, une foule2 et une huilerie.

 

En 1739 naît le docteur Pierre Ignace Rondot dans la maison, construite par son père située au dessous de la chapelle. C'est une grande bâtisse qui reflète bien la richesse de la famille. Le docteur, très estimé dans la région, était l'héritier du moulin et possédait aussi une clouterie et une taillanderie3. L'importance de ce complexe industriel qui devait desservir un territoire très large et les rivalités avec ses voisins se manifestent très clairement à partir de cette époque : les installations du Bief d'Etoz jouissaient du droit de banalité4 et les propriétaires engagèrent un procès contre ceux du moulin de la Charbonnière. Suite à cette curieuse affaire obscure, ledit moulin fut condamné à être détruit.

De plus, en 1760, Guillaume Ignace Rondot possède le moulin de la mort qu'il obtient par mariage.

En 1804 l'activité continue, on dénombre alors au Bief d'Etoz le moulin, une scierie, une petite forge et des carrières exploitées.

 

 bief-etoz-ancienne-photo-moulin.jpg

Le moulin vers 1900

 

En 1910, les moulins et tout le complexe d'une industrie qui n'était plus d'actualité disparaissent sous une terrible inondation. Enfin le reste du hameau, sauf la chapelle et la cure, est détruit par un incendie durant l'hiver 1917-1918. Le feu aurait pu être maîtrisé cependant le Bief d'Etoz était sous surveillance sévère durant la première guerre mondiale et les pompiers suisses n'ont pas été autorisés à franchir le Doubs pour venir sauver les bâtisses. Ils regardèrent donc malheureusement le feu se propager depuis la rive suisse.

 

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1.  Ribes : Meule conique qui servait à broyer le lin ou le chanvre

2.  Moulin à foulon : Gros maillet activé par l'eau qui frappait les tissus de laine afin de les rendre plus souples et de resserrer les fibres. Cet acte permettait un meilleur confort et une conformité pour la vente sur les marchés.

3. Taillanderie : Fabrique d'outils de coupe. Au Bief d'Etoz, on distingue une quincaillerie (production d'objets de faibles valeurs) et une fabrique d'outils araires (pour le travail du sol)

La taillanderie du Bief d'Etoz fut très réputée pour la qualité de ces produits et changea de fournisseurs de minerais ferreux devant l'afflux de commandes. Or la qualité du nouveau minerai était médiocre et le site perdit toute sa réputation en vendant des objets de mauvaise qualité. La fabrique dut donc fermer.

4. Droit banal : Engagement du seigneur à entretenir des infrastructures pour tous ses sujets, en contrepartie, ils ne doivent utiliser que ses installations, payantes.

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Extrait de Charmauvillers, du comté et des boîtes, septembre 2013.